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LINE RENAUD UNE FEMME LIBRE

HOMMAGE EN CE 8 MARS JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE LA FEMME


Line Renaud vient de nous envoyer une lettre d’amour et de remerciements. Âgée de près de 96 ans, elle a eu envie de nous dire sur la pointe des pieds ‘au revoir’ avant de rejoindre pour l’éternité sa « cabane au Canada ». À 80 ans de carrière, ce n’est pourtant ‘pas un adieu, mais ça prépare un adieu’ confie-t-elle tout au long de son plaidoyer d’amour à la vie.  Titre de ce livre, lettre d’amour : Merci la vie ! édité chez Robert Laffont.

 

Son livre est une longue lettre de souvenirs et de rappels qui pourrait peut-être sembler être un testament, mais qui finalement nous ravigote de courage. Comme tout au long de sa carrière, au fil des décennies elle a tout prévu : « Je veux choisir ma mort. Je veux rester ici dans ma maison jusqu’à mon dernier souffle. » Elle a tout prévu, tout organisé, ses dernières volontés sont claires jusqu’aux noms des invités à ses funérailles. Son ‘après moi’ comme elle dit, ne lui échappera pas. « Pour moi qui ai toujours vécu dans la lumière, rejoindre l’ombre sera un peu mon dernier spectacle. » Hors de question, vous l’aurez compris, pour elle de rater sa sortie de scène. 

 

Rien n’est vieux dans ce livre que beaucoup de jeunes devraient lire.

Ce n’est pas une cacochyme qui écrit, c’est une femme qui a la chance de vouloir savoir et connaitre tout de ce XXIe siècle et qui aime distribuer sa force à nous, sa famille. Nous sommes dans son arbre généalogique.

Des noms et des repères un peu anciens pourraient manquer. Quelle importance ? Et comme elle le dirait, Wikipédia n’est pas fait pour les chiens ! Line n’échappe pas à la ‘dictature’ des outils numériques : « C’est bien simple, je me sens plus dépendante de mon smartphone qu’un ado. J’en suis à me demander s’il n’est pas aujourd’hui greffé à mon poignet ! Impossible de demeurer loin de mes mails, Whatsapp et SMS, des alertes d’actualité que je dévore. Et dire que je suis née à une époque où nous n’avions même pas le téléphone. » Elle est folle de Google. Elle a même essayé ChatGPt et en tapant son nom il lui a débité sa carrière sans erreur de dates ou d’infos.

 

Son livre est une lettre de confidences où elle nous livre ses secrets de vie.

Elle nous murmure à l’oreille la recette pour affronter bonheurs et malheurs. Jamais Line Renaud n’est aigrie. Elle ne nous abreuve pas de conseils, mais semble nous considérer toutes et tous comme ses enfants pour nous élever à la jouissance de l’existence. C’est que Line Renaud en a la légitimité, et pas simplement celle de l’âge, mais tout simplement celle d’une dame qui revendique ses droits de femme. Les droits à l’optimisme et à la liberté. Line n’est pas une sainte et pourtant ses réflexions ainsi que son sens d’aimer pourraient la sanctifier, elle qui ne comprend plus le Dieu de son enfance. Entre elle et lui, c’est une conversation au long cours. Elle lui parle, mais ne le prie pas.  «  Là-haut, on doit penser que j’abuse. Le centenaire me tente… /… mais jusqu’à quand la vieillesse reste-t-elle tolérable. » Line avoue avoir amadoué la mort et elle la regarde droit dans les yeux : « Je le dis et le redis, je me refuse à quitter la vie autrement que comme je l’ai vécue. Libre et digne.»

 

Son désir de vivre est intact.

Elle sent en elle de beaux restes de jeunesse bouillonner et tourbillonner : « tant qu’on pédale, on avance… Tu t’arrêtes, tu tombes. Je ne veux pas tomber. » Line semble s’être fait surprendre par l’âge en vivant toujours avec l’éternité devant elle, jusqu’au jour où un petit AVC, trois Covids et une infection rénale lui ont fait comprendre la date inscrite sur sa carte d’identité. Mais elle a vite repris le chemin de la vie au son de son ‘Mister Banjo’ considérant cet incident comme ‘sa p’tite folie’. Line Renaud, de son vrai nom Jacqueline Enté, restera ‘Mademoiselle from Armentières’ celle qui a toujours considéré la vie comme une affaire sérieuse à mener de façon légère : « J’ai aimé sortir de la route toute tracée pour m’engager sur les chemins de traverse qui je l’espérais m’offriraient des chemins de traverse .../… pour des horizons in soupçonnés ».  En plein succès, elle stoppe à cinquante ans la chanson et son rôle de meneuse de revues pour une nouvelle voie, le théâtre et le cinéma. Line a le gout de la liberté et nul ne peut lui refuser ce droit.  Loulou Gasté, son mari compositeur est désemparé. Il a été son pygmalion, mais jamais son maitre. Ce livre est rempli de rires, sa potion magique : « le rire, c’est le sel de la vie ». La tendresse règne tout au long de sa longue lettre, alors que parfois son caractère si trempé pouvait refroidir les plus téméraires. Line a toujours eu les pieds bien ancrés sur le plancher des vaches. Citoyenne et militante jusqu’au bout des ongles. Line Renaud a toujours été en phase avec elle-même. ‘Me Too’ et les multiples scandales dans le monde du cinéma font d’ailleurs l’objet d’un passage très fort de son livre.

 

On partage ses regrets fugitifs de ne pas avoir été mère.

C’est avec passion qu’elle nous dévoile son endroit de joie, sa maison de ‘La Jonchère’ à Rueil- Malmaison. Une demeure améliorée au fil du temps et qui a été le rêve de Loulou. Vingt ans de différence d’âge et pourtant une route à deux qu’elle évoque avec nostalgie : « nous nous sommes aimés bien au-delà de l’amour.»  À 18 ans, elle a dû se ‘faire charcuter’ par les mains d'une faiseuse d’ange et plus tard une fausse couche laissera à jamais son « ventre vide » comme elle l’écrit. On partage ses regrets fugitifs de ne pas avoir été mère. Elle parle avec franchise de la singularité de leur couple. Il savait, elle savait : « Croyez-moi, on peut tromper le corps sans pour autant trahir le cœur. Et finalement, c’est toujours le cœur qui l’emporte ! Si le sexe unit au début de l’idylle, il désunit trop souvent par la suite… »

Line a fait une carrière à Las Vegas en connaissant les plus grands. Une Amérique envoutante, mais loin de sa chère France. Line revient rapidement sur les confidences - déjà avouées dans un son autre livre - sa grande passion de quinze ans pour Nate Jacobson, le président du ‘Caesar Palace’.

Loulou l’avait trop gardée dans une prison dorée. Avec Jacobson, ce fut une passion orageuse et entichée. Vivre sur deux continents a permis à Line cette dualité dans son cœur. Loulou et Line sont malgré tout restés unis : « les coups de couteau dans le canif n’ont laissé aucune cicatrice sur nos peaux. » Un moment savoureux dans le livre nous entraine dans des révélations sur le quotidien de son couple avec Loulou. 

 

Line Renaud n’est d’aucune chapelle, c’est une femme libre

Elle souligne ses amitiés pour Chirac et son respect pour Mitterrand, son affection pour François Hollande et sa haine pour Giscard. Elle n’a jamais osé rencontrer son idole le Général de Gaulle, le libérateur. Une anecdote peu reluisante sur Jack Lang est aussi au programme de ce livre. Line Renaud n’est d’aucune chapelle, c’est une femme libre. Ses amitiés pour Muriel Robin, Claude Chirac, Dominique Besnehard, sans taire les personnes qui l’entourent au quotidien, ne sont pas oubliées. En tournant les dernières pages, on est convaincu qu’elle n’a pas encore dit son dernier mot. Elle vient d’acheter des bureaux à Paris pour abriter probablement la fondation ‘Line Renaud-Loulou Gasté’. Toute la fortune de leur travail commun sera offerte à de nombreuses associations. Line Renaud s’est toujours battue pour le quotidien du bonheur des êtres humains.

 

Parfaitement en symbiose avec les jeunes qu’elle adore, Line prend tout au long de ses lignes leur défense. «  Ils savent tant de choses que nous ne savons pas encore. Leur instinct est aiguisé, ils n’ont pas acquis toute la connaissance, toute l’expérience, mais ils saisissent l’air du temps. Et rien n’est plus précieux que l’air du temps… /… ils sont la promesse du lendemain, l’espoir d’un monde meilleur. Je vois en eux une page blanche sur laquelle tout reste à écrire… /…leurs codes sont autres, mais non moins respectables… /… la chaine intergénérationnelle ne doit jamais se rompre. »

 

Depuis trente ans que son Loulou est parti, Line est une femme qui partage sa couche avec son chien ‘Pirate’, le compère de sa vie.  Alors, c’est auprès de ses ami(e)s gays que Line aime sortir. Elle souligne leur gaité avec considération et affection. Line Renaud est une figure de la lutte contre le sida en France à travers le Sidaction : « Rendez-vous compte qu’il aura fallu attendre 1982 pour que l’homosexualité soit dépénalisée en France et 1992 pour qu’elle soit retirée de la liste des pathologies psychiatriques ! »



 Et la postérité Line ?

Ce livre est une passerelle entre le passé, le présent et l’avenir. Rempli d’anecdotes en tous genres c’est une lettre d’espoir que je viens de lire en ce jour du 8 mars journée internationale des droits de la femme. Et la postérité Line ? « Une galerie porte mon nom à Armentières, un institut médical à Suresnes, une rue à Las Vegas, un jardin sur les Champs-Élysées et bientôt une place à Rueil-Malmaison et une rue au Pont de Nieppe… Tous ces hommages m’honorent en même temps qu’ils me poussent vers la sortie. Regardez les plaques de rues, ceux dont les noms y figurent sont rarement en bonne santé. Dans quelques décennies, on se demandera sans doute qui était cette Line Renaud du petit jardin ou de la grande place, on aura oublié mes chansons et mes films, mais je serai dans les GPS… J’aime bien l’idée. »

 

Hervé Meillon

 

 

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